Je travaille dans le milieu informatique depuis pas mal d’années. J’ai eu l’occasion de voir grandir, évoluer un nombre incalculable d’outils, de normes, de technologies, de sociétés… dont une bonne partie n’existent plus désormais. Il s’agit vraiment d’un domaine en perpétuelle mutation dans lequel il a toujours été compliqué de se positionner sur le bon créneau tellement les changements sont fréquents et brutaux.
Personnellement, j’ai débuté comme développeur sur la plateforme As/400 (premier choc) avant de me spécialiser sur le framework .Net (deuxième choc). La phase de transition est plutôt contraignante mais on s’adapte, on se forme, on assimile les subtilités des nouveaux systèmes pour améliorer progressivement son aptitude. Cela requiert beaucoup de temps, d’énergie, de sang et de larmes (je n’exagère qu’à peine) mais on arrive au final à un niveau de compétence acceptable ou tout du moins satisfaisant.Tout ceci, en gardant un œil critique sur le positionnement de la technologie ainsi choisie dans le marché global des outils de développements en tentant d’interpréter les roadmaps des éditeurs, de tester les versions bétas, d’analyser les solutions proposées par la concurrence… bref, de garder l’esprit le plus ouvert sur la nouvelle norme ou offre qui va tôt ou tard détrôner immanquablement votre langage/techno de prédilection.
Il faut donc faire la part des choses entre les effets d’annonces, les querelles de chapelles dans les blogs spécialisés, les prédictions aléatoires de cabinets d’audits, les solutions miracles qui ne décollent jamais, les produits qui débarquent du jour au lendemain et qui cassent la baraque avant de retomber comme un soufflé, les normes (HTML5) qui ne seront finalisées qu’en 2013 et dont on ne sait pas encore à quoi cela va ressembler réellement. L’idéal étant évidement de se positionner au bon moment (ni trop tôt, ni trop tard) sur la bonne techno.
Bref, le décideur de nos jours est confronté à une offre de choix (Apple, Google, Amazon, Microsoft, Linux pour simplifier) qui ont un impact non négligeable en termes d’investissement, d’effort de formation, d’opportunités techniques et commerciales car une décision sur une architecture va demander au bas mot 2 ans d’efforts avant de pouvoir déboucher sur un résultat viable. L’idéal étant bien entendu d’effectuer le choix qui permette de rentabiliser au maximum l’investissement initial mais aussi qui soit le plus pérenne dans le temps.
Pour justifier son choix, on peut s’attacher à une référence du secteur (cf la liste ci-dessus) qui offre un certain niveau de visibilité, de compétences, de puissance sur le marché pour bénéficier de ressources maximales. On n’est pas toujours d’accord avec certaines décisions des éditeurs mais, au final, on se plie aux règles établies qui deviennent alors des normes. Microsoft fait partie depuis des décennies des acteurs majeurs du milieu avec un impact non négligeable sur la physionomie actuelle de nos systèmes. La firme de Redmond a connu des succès, des échecs, certaines solutions ont été plus ou moins bien acceptées mais on avait l’impression globale d’une cohérence générale au niveau des décisions de la firme avec une tendance à persister sur les solutions choisies.
Dès lors, la dernière interview de Bob Muglia, patron des outils de développement chez Microsoft auprès de ZdNet a fait l’effet d’une bombe dans le milieu des développeurs. Il y minimise les capacités de Silverlight et annonce que Microsoft change de stratégie pour se focaliser sur HTML5. La surprise a été énorme tant Silverlight a fait l’objet d’effort de la part de l’éditeur. De plus, cette annonce intervient au moment du lancement stratégique de WP7 qui repose en bonne partie sur cette plateforme.
L’incompréhension est totale car s’il on sait que Silverlight est amené à disparaitre naturellement dans quelques années, ce n’est pas dans l’habitude de Microsoft d’évoquer de manière semi-ouverte ce qui peut-être pris comme un acte de décès concernant une technologie largement éprouvée et plutôt bien accueillie. Ils ont coupé récemment des branches mortes (IE6, Windows Mobile…) mais c’est bien la première fois qu’ils dézinguent en plein vol un outil récent. Les efforts des équipes Silverlight, les tentatives de faire taire les rumeurs ne peuvent empêcher le trouble et la colère d’une bonne partie de la communauté des développeurs qui se sentent abandonnés au milieu du gué.
Cette séquence (pour reprendre un terme plutôt employé en politique) est un vraiment tournant, la stratégie de Microsoft se brouille fortement auprès de leur base de développeurs qui risquent d’être fortement refroidis par ce genre de décisions de la part d’une société qui avait jusqu’alors plutôt l’habitude d’assumer ses choix dans la durée.
Personnellement, je vais tout de même poursuivre mes projets autour de Silverlight car il s’agit vraiment d’un environnement très agréable à utiliser et qu’il n’est pas possible de changer de technos à chaque coup de buzz plus ou moins calculé. De plus, les bases C#, WCF, WPF, RIA, MVVM peuvent être ré-utilisées par ailleurs.
Au final, j’ai l’intime conviction que Microsoft est en train d’arrêter les développements Silverlight (cf Bing Maps 3D) mais j’espère pour eux qu’ils savent exactement ce qu’ils font en traitant le dossier de cette manière.
A quoi joue Microsoft ?